Industrie 4.0 : dépasser le dilemme 'Opérer vs Transformer' !
- bertrandfelix1
- 3 mai 2023
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 févr.
«Opérer», c’est un peu rester dans sa zone de confort. «Transformer» nécessite de prendre des risques. Les décideurs de l’industrie se demandent presque chaque jour s’ils prennent la bonne voie. Car si le mouvement vers l’industrie 4.0 connaît quelques belles réussites, il compte aussi des échecs.

Retrouvez ci-dessous l'article complet :
UN CONSTAT POUR DEMARRER
Les membres des comités de direction déplorent régulièrement que les nouvelles technologies ne
soient pas implantées plus vite dans leurs usines pour accompagner leur transformation.
Et si une des causes de cette situation provenait du paradoxe «transformer contre opérer» ?
«OPERER», C'EST L'EXCELLENCE OPERATIONNELLE APPLIQUEE AU QUOTIDIEN
La routine, en somme : inventer de nouveaux produits en bureaux d’études ou de nouvelles offres rentables dans des délais toujours plus courts, produire au bon niveau de qualité et à la bonne cadence malgré la diversité des produits assemblés en usine, livrer les composants grâce à une logistique bien huilée malgré les difficultés d’approvisionnement. Et, dans le même temps, réaliser des activités d’après-vente toujours plus proches du client, développer et conserver les compétences de ses employés, rester attrayant, maîtriser son budget annuel et dégager de la marge. Des générations de manageurs ont ainsi été formées à être de bons gestionnaires.
GESTIONNAIRE OU ENTREPRENEUR ?
«Transformer» nécessite au contraire de savoir partir d’une feuille blanche, de tester pour apprendre, d’inventer, de prendre des risques. Ce sont des compétences qui s’approchent de celles des entrepreneurs.
Pour transformer, il faut pouvoir s’extraire du quotidien et se projeter dans un futur souhaité, le décliner en plan d’action et y amener les équipes en vue d’assurer le développement puis la pérennité de la structure.
En réalité, opérer et transformer ne s’opposent pas : les deux axes sont nécessaires à l’entreprise. Mais quand les ressources mobilisées de part et d’autre sont les mêmes, il peut y avoir blocage.
LES MANAGEURS INTERMÉDIAIRES SONT LA CLÉ
une des populations les plus touchées par ce paradoxe est celle des manageurs intermédiaires, dits de proximité. Souvent positionnés entre le marteau et l'enclume, et mis sous pression par des injonctions de réalisation et de transformation, c'est une population à qui on demande beaucoup avec parfois pour outils les moyens du bord. Ils représentent cependant un maillon essentiel de la chaîne de commandement et de la transformation. Car, à travers le lien hiérarchique direct avec leurs équipes opérationnelles qu’ils connaissent bien, ils ont la capacité de rendre réelle la transition vers l’industrie 4.0 ou, au contraire, de la ralentir, voire de la stopper. En charge de l’allocation des ressources, ils peuvent autoriser ou refuser de mobiliser certains collaborateurs dans les projets d’exploration, créant sans le vouloir de la frustration.
Dans un monde qui va vite, sous la pression des indicateurs et du quotidien, ils ressentent le besoin de structurer pour se rassurer et pour mieux remonter les informations. Ils évitent ainsi, consciemment ou non, de s’exposer au ridicule de solutions qui ne marcheraient pas, au risque de théoriser et de ne pas agir.
D’autre part, malgré les gains potentiels pour l’entreprise, ils ont humainement beaucoup à perdre le vieux modèle français stipulant que le manageur doit savoir faire ce que font ses collaborateurs. Or, la numérisation va donner accès aux informations au plus grand nombre. Et on le sait, savoir, c’est pouvoir. Enfin, ils peuvent être à juste titre intimidés voire paralysés par l’ampleur de la tâche. L’industrie 4.0 est vaste. "Comment y aller ? Par où commencer ? Qu’est-ce qui va vraiment apporter de la valeur ?"
ALORS, COMMENT EMBARQUER TOUT LE MONDE DANS LE MEME MOUVEMENT AFIN DE CONVERTIR LA MEFIANCE DU TERRAIN, EN VERITABLE RELAIS DE TRANSFORMATION ?

JE VOUS PROPOSE 5 PISTES À EXPLORER :

1. METTRE EN PLACE DES OBJECTIFS annuels pour les manageurs de proximité basés spécifiquement sur l’axe «transformer». Puis leur donner le mandat de consolider et de reporter à la direction les avancements de leurs actions sur les deux dimensions conjointes : «opérer» et «transformer», c'est-à-dire sur les axes temporels aujourd'hui et demain.
Grâce au management visuel, bien connu des usines, on pourra faire apparaître les déséquilibres et les situations contradictoires s’il y en a, et arbitrer.

2. RESPONSABILISER ET SOUTENIR SES MANAGEURS redevenus décideurs et facilitateurs, en créant une culture d'entreprise qui autorise l’exploration et donc, potentiellement, les erreurs. Cette culture devra être communiquée, assumée, et incarnée avec exemplarité par le comité de direction.

3. DÉPLOYER LARGEMENT CETTE CULTURE pour permettre à tous les employés de s’autoriser à contribuer à la transformation.
En déclenchant le «pourquoi pas moi ?», on capte des talents insoupçonnés à l’intérieur même de l’entreprise y compris des personnes auxquelles les RH n’auraient pas pensé. C’est un outil intéressant, surtout à l’heure d’un marché du recrutement en forte tension.
L’entreprise peut mettre en place un processus piloté pour collecter par le bas les idées les plus pragmatiques et génératrices de valeurs. Et dans le même temps, identifier les candidatures sur de nouveaux projets, révéler puis catalyser les intrapreneurs.
Pour que tout cela fonctionne dans la durée, les manageurs devront soutenir la démarche en apportant un cadre, une protection, puis une reconnaissance aux collaborateurs qui se seront engagés ; par exemple, en octroyant du temps, en communiquant sur l’évolution temporaire de certaines fiches de missions, en récompensant et distinguant les réussites, et en accompagnant les évolutions.

4. DÉVELOPPER L'AUTONOMIE ET L'INNOVATION des équipes techniques et opérationnelles en créant des réseaux d’experts,
mis en lien avec des communautés métiers.
Les experts sont les grands perdants des réorganisations successives, alors qu’ils sont facilement remobilisables car passionnés. Il faut les faire sortir de leur entreprise pour qu’ils se mêlent à leurs pairs et accèdent à des possibilités de codéveloppement via des partenariats externes, voire les exposer à des profils d’entrepreneurs.
Il faut oser les placer avec confiance au sein de projets collaboratifs exploratoires où ils s’enrichiront d’autres usages des technologies et découvriront de nouvelles approches, méthodes et bonnes pratiques, tout en réalisant des avancées significatives et visibles dans leurs usines.

5. INSTAURER DES PARCOURS « VIS MA VIE » dans l’entreprise.
Des membres d’une équipe peuvent tourner à différents postes pour mieux comprendre les enjeux de leurs collègues et des autres métiers. Ce qui permet de faire vivre l’expérience de la dépendance à différents indicateurs de résultats qui sont trop souvent hétérogènes, et qu’il convient de simplifier ou d’unifier pour une meilleure performance de groupe.
MISE EN ROUTE D’UN CERCLE VERTUEUX
On peut espérer une performance et une rapidité d’exécution accrues grâce à la fluidité acquise par le travail aux interfaces, de nouveaux réflexes de collaboration entre les métiers et des synergies instaurées entre des fonctions qui s’ignoraient.
L’entreprise peut alors proposer ses produits plus rapidement que ses concurrents ou mettre en œuvre des solutions robustes pour optimiser leur usines ; solutions adaptables à d’autres sites du groupe. On renforce aussi le développement des compétences en interne par des moyens complémentaires à la formation classique. Sans oublier un effet positif sur l’image de l’entreprise et sur la satisfaction des employés : cela génère de l’enthousiasme, véritable moteur de la mobilisation future. Les réalisations réussies aujourd’hui appellent celles de demain.
(1) Collaborateurs qui entreprennent via des projets, en utilisant des ressources internes et externes, et en déployant des méthodes et des réflexes issus de l’entrepreneuriat.
Bertrand Felix
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